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Covid-19 et tabagisme passif : les fumeurs, contaminateurs potentiellement majeurs


Rédigé par Nabil LAAROUSSI Lundi 10 Août 2020

Les nuages de fumée et de vape transporteraient des particules contagieuses jusqu’à 10 mètres. Cela remet sur la table le dossier épineux de l’interdiction de fumer dans les espaces publics au Maroc.



Depuis jeudi 6 août, le prix de vente du tabac a été rehaussé pour renflouer les caisses vides du Trésor public mais aussi pour inciter les Marocains à cesser de fumer, tandis que depuis le 25 juin 2020, les cafés ont eu l’autorisation de rouvrir sous conditions, notamment le respect d’une limite de la capacité d’accueil à 50% ou encore la désinfection régulière des tables, chaises, verres ... en revanche pas un mot sur l’interdiction de fumer dans ces lieux publics. Une interdiction pourtant prescrite par la loi et qui devrait en ces temps de Coronavirus faire l’objet d’une plus grande sévérité. La fumée de cigarette ayant été officiellement désignée comme un vecteur de transmission du Covid-19.

Selon le Comité National français Contre le Tabagisme (CNCT), la fumée émise par un fumeur de cigarettes ou de cigarettes électroniques, semble être un vecteur de transmission du Coronavirus. Elle contient des particules contagieuses et pourrait s’étendre jusqu’à 10 mètres, faisant d’un fumeur infecté une personne plus susceptible de répandre le virus dans son entourage.

Le Professeur Yves Martinet, président du CNCT, explique : « Une personne fumeuse qui est Covid-19 positive, a plus de risque de contaminer son entourage. En effet, les fumeurs exhalent de la fumée qui contient des particules fines sur lesquelles peuvent se fixer les virus. Ces particules deviennent donc infectantes», insistant sur l’impératif que les fumeurs ou « vapoteurs » respectent une distance de sécurité de 10 mètres, loin de toute personne et de toute habitation.

Yves Martinet ajoute que la même règle s’applique à la cigarette électronique dont la vapeur expirée contient des microparticules sur lesquelles le virus peut se fixer.

En outre, la toux fréquente, entraînant la projection de goulettes infectées, est un autre facteur qui fait d’un fumeur ou d’un vapoteur un contaminateur potentiellement majeur.

Une information alarmante pour le Maroc, où la proportion de fumeurs est l’une des plus élevées dans le bassin méditerranéen.

Interdiction de fumer dans les lieux publics : une loi inappliquée

Cela peut surprendre beaucoup, mais au Maroc, depuis le 26 juin 1995, il est défendu de fumer dans certains lieux publics, notamment tous lieux destinés à un usage collectif, tous services publics, établissements publics et bureaux administratifs. Ainsi, l’article 4 de cette loi stipule qu’il est interdit de fumer notamment dans les bureaux administratifs communs et les salles de réunion dans les administrations publiques, semi-publiques et privées, tout comme les hôpitaux, cliniques et centres de santé, ainsi que les moyens de transport en commun et les salles de spectacles.

Le non-respect de cet article est puni d’une amende de 10 à 50 dirhams. Dans ces circonstances de la pandémie due au Coronavirus, et connaissant les risques de contagion que peut causer la fumée ou la vapeur exhalées, il est, peut-être, temps d’améliorer et d’accélérer l’application d’une loi qui est tombée dans l’oubli.

Les mesures et améliorations proposées par les Istiqlaliens

«Cette « présumée » loi 15-91 devient obsolète du fait qu’elle date de deux décennie», nous confie le député istiqlalien Allal Amraoui, ajoutant que le Parti de l’Istiqlal appelle désormais à tout remettre à plat. Avec le change ment d’habitudes de consommation et l’évolution de cette industrie néfaste, il est temps pour le Maroc de s’aligner sur ce qui se fait ailleurs. Il sied de noter que le PI avait proposé un réel arsenal juridique contre le tabagisme contenu dans deux propositions de loi : la première portant sur l’interdiction de vendre du tabac aux mineurs et la deuxième pour modifier et compléter la loi 15-91.

Ces propositions apportent de grandes nouveautés, notamment une définition plus globale de la publicité et la consommation de toutes les catégories de cigares, de tabac à rouler, de tabac à priser et même de tabac à chiquer dans les lieux publics, ainsi que des dispositions nécessaires à la protection des mineurs en interdisant la vente de tabac et de ses dérivés, et leur mise à disposition aux moins de 18 ans.

En outre, les Istiqlaliens ont appelé à la mise en place d’une réelle politique de promotion de la santé, incluant la prévention, tout au long de la vie, en renforçant la promotion du mode de vie sain, en insistant surtout sur la réduction de la prévalence des pratiques addictives (tabac, alcool, psychotropes…) et en informant sur leurs dangers et leurs conséquences nocives.

Nabil LAAROUSSI

3 questions à M. Allal Amraoui

Covid-19 et tabagisme passif : les fumeurs, contaminateurs potentiellement majeurs
« La non-application de la loi anti-tabac est un échec monumental »

Nous avons contacté le député istiqlalien Allal Amraoui pour nous donner des éclaircissements sur la loi relative à l’interdiction de fumer dans les espaces publics, en ces temps de pandémie.

- Dans quelle mesure le tabagisme actif ou passif contribue à contracter le Coronavirus ?
- Des experts de la santé publique réunis par l’OMS le 29 avril 2020 pour faire un bilan des études à ce sujet, ont conclu que les fumeurs risquaient davantage que les non-fumeurs de contracter une forme sévère de la Covid- 19, étant donné que le fait de fumer affaiblit la fonction pulmonaire, rendant l’organisme moins résistant aux Coronavirus.
Aussi, tous les travaux de recherche existants semblent indiquer que le risque de maladie grave et de décès est plus élevé chez les fumeurs et leurs entourages.

- Comment militez-vous pour l’application de la loi relative à l’interdiction de fumer dans les lieux publics ?
- C’est un échec monumental, notre pays qui a été le premier pays de sa région à promulguer une loi anti-tabac, va aujourd’hui à reculons. Cette fameuse 15-91 adoptée en 1991, empêchant la publicité des cigarettes et interdisant de fumer dans certains endroits publics, n’a été promulguée qu’en août 1995, soit quatre ans plus tard, et sans ses décrets d’application. Elle tarde à entrer dans les faits depuis des années.
En 2007, notre parti, l’Istiqlal, avait fait passer une loi interdisant de fumer dans tous les espaces publics, en plus de l’interdiction de vendre du tabac à des mineurs, mais la loi, adoptée, n’est jamais parue au Bulletin Officiel.

- L’interdiction de fumer dans certains lieux publics, ne va-t-elle pas contribuer à endiguer la propagation du Coronavirus ?
Bien évidemment, et le moment est propice. Le gouvernement et les forces politiques devraient à l’occasion de cette pandémie tenter d’asseoir une véritable politique de promotion de vie saine.
L’application de la loi anti-tabac sur le terrain n’est certainement pas une chose aisée, mais elle n’est pas impossible, puisque d’autres pays ont bien réussi à le faire. Le gouvernement préfère carrément regarder ailleurs et oublie cette affaire pour de bon.

Recueillis par N. L.

Repères

Le Maroc compte un bon nombre de fumeurs 
Le Maroc est l’un des plus grands pays consommateurs de tabac dans tout le bassin méditerranéen. La prévalence du tabagisme est de 13.4% chez les adultes âgés de plus de 18 ans, dont 26.9% sont des hommes et 0,4% des femmes (STEPS 2018). La prévalence du tabagisme chez les élèves âgés de 13 à 15 ans est à 6% ( GYTS 2016). Environ 35.6% de la population est exposée au tabagisme passif, 32% en milieu familial et 60% dans les lieux publics à l’image du calvaire vécu par les serveurs et serveuses dans les cafés.
La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC)
Adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé le 21 mai 2003 et entrée en vigueur le 27 février 2005, la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC) a pour objectif de réduire le fardeau sanitaire et économique du tabac qu’est le tabagisme, au niveau mondial. Le traité, regroupant 182 pays, «réaffirme le droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible» et met au point une stratégie visant à réglementer des substances engendrant la dépendance. Le Maroc reste l’un des très rares pays à ne pas l’avoir ratifié.

Encadré

Covid-19 et tabagisme passif : les fumeurs, contaminateurs potentiellement majeurs
Le marché du tabac fait l’objet d’une nouvelle hausse des prix

Les motifs pour diminuer la consommation du tabac en ces temps pandémiques se multiplient. Après l’adoption de la loi de Finances rectificative, qui consiste à instaurer une hausse des droits d’importation de certains produits, les prix du tabac viennent d’être augmentés.

Publiés le 5 août, dans la circulaire de l’administration des douanes, les nouveaux prix du tabac manufacturé sont entrés en vigueur, à partir de jeudi.

Le changement des prix des paquets de cigarettes concerne les produits positionnés premium, à savoir Winston et Marlboro. Elle exclut dans ce sens des marques comme Gauloises ou Marquise, fabriquées et commercialisées par la Société Marocaine des Tabacs (SMT), qui est un fabricant local. Les prix des paquets de Marlboro sont passés de 35 dhs à 37 dhs, tandis que ceux de Winston sont passés de 33 dhs à 34 ou 36 dhs, selon le type.

Ce n’est pas la première fois que les prix du tabac connaissent une hausse. En effet, ces produits avaient déjà connu une augmentation, qui est entrée en vigueur en 2019. Celle-ci a été établie par une hausse de la Taxe intérieure de consommation (TIC). Cette fois-ci, elle concerne une hausse des droits d’importation.

Il est à noter que le marché marocain est dominé par trois opérateurs, qui font 80% du marché. Il s’agit de Philip Morris International, célèbre pour la commercialisation de Marlboro, puis de Japan Tobacco International avec Winston et la SMT avec Gauloises et Marquise. Le fabriquant local, SMT, occupe environ 50 % du marché global, tandis que Marlboroet Winston y occupent 30%.








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